Des moments de partage : retour sur la marche des lumières - 14 ème case du calendrier

 

 

Hier soir, nous avons vécu la douzième marche de la lumière. Pour ma part, c’est la deuxième fois que j’assiste à cet évènement interreligieux, et j’en reviens comme l’année dernière avec plein de belles images en tête, le souvenir de belles rencontres, et une espérance renouvelée.

Ce qui me touche dans cette marche de la lumière, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de se montrer ensemble, de faire de belles photos pour envoyer un signal de paix (ce qui serait déjà pas mal), mais qu’il s’agit bien de vivre quelque chose ensemble. Jürgen m’a laissé l’honneur de préparer la halte à l’église protestante cette année, et ce fut une grande joie de recevoir catholiques, juifs et musulmans dans cette église où j’ai été moi-même si bien accueilli. Dans chacune des autres communautés, j’ai cru percevoir cette même joie et cette fierté d’accueillir l’autre dans son lieu de culte, et ce désir de partager un trésor tiré de sa propre tradition. Du coup, je ne suis pas sorti de la synagogue, de l’église Ste Foi et de la mosquée avec l’impression d’avoir vu quelque chose, d’avoir été spectateur, mais bien d’avoir vécu un moment fraternel. Il est beau ensuite, en marchant dans les rues de Sélestat et en passant devant ces lieux de culte, de se dire que désormais ces lieux ne sont plus tout à fait inconnus. On les connait un tout petit peu, et on a eu l’occasion de rencontrer ceux qui les font vivre.      

Un grand merci à tous ceux qui ont contribué à cette belle soirée, par leur engagement ou simplement par leur présence.

Lumieres

 

Voici le récit que nous avons lu avec Nicole à l’église protestante, et qui parle de l’ouverture que l’on peut trouver dans la prière :

Imaginez, par une nuit de décembre, quelqu’un qui ne parvient pas à trouver le sommeil. Il se met en colère, parce qu’il a besoin d’énergie pour le lendemain, il a tant de choses à régler. Mais… ça lui fait du bien quand même, ce calme autour de lui, dans la nuit alors que tout le monde dort. Il n’a pas vécu un moment de solitude comme ça depuis longtemps. Le jour, il est tout le temps entrain de communiquer, d’interagir. Au travail, il reçoit une centaine de mail par jour. Il lui arrive de répondre à certains encore à 23h le soir. Quand il ne regarde pas ses mails, il parcourt le fil d’actualité de Facebook, simplement par peur de manquer quelque chose. Et il y a le flux des informations qui lui viennent de partout, où on lui parle de personnes qu’il ne connait pas et qui souffrent à l’autre bout du monde.

Même quand il marche dans la rue, pas moyen d’être tranquille, il y a toujours quelqu’un pour l’embêter. Il y a par exemple ce guitariste qui joue et qui chante faux avec beaucoup de conviction qui lui fait perdre le fil de ses pensées. Et aujourd’hui, alors qu’il attendait son tour à la caisse d’un magasin pour acheter un cadeau, une vieille dame en déambulateur a commencé à lui raconter sa vie. Il a été obligé de faire semblant de l’écouter pendant dix minutes. Il est tout le temps en interaction, et pourtant il se sent souvent seul. Le pire, c’est qu’il ne lui reste plus assez de disponibilité d’esprit pour être avec ses proches.

Il se met à prier. Ça lui arrive parfois pendant ses nuits d’insomnie. Il prie pour ces proches qu’il délaisse, pour que Dieu prenne soin d’eux et leur donne d’être patients avec lui. Et puis, dans sa lancée, il prie aussi pour cet ami dont il a appris récemment via Facebook que son chat était mort. Et pour ses collègues de travail qui sont aussi noyés de travail. Surtout pour l’une de ces collègues qui a été opérée hier. Tiens d’ailleurs, il faudra qu’il pense à lui écrire. Et aussi pour cette dame en déambulateur qu’il n’a pas su écouter pour de vrai. « Elle doit se sentir bien seule, elle aussi, se dit-il. Si je la recroise je lui ferais un coucou. » Et tant qu’on y est,  il a aussi une prière pour ce guitariste qui joue dans la rue. Qu’il ramasse assez de pièce pour se payer des cours de chants. Ou qu’il soit simplement content de lui-même, ça suffit.

Son cœur commence à s’alléger. Sa prière le porte de plus en plus loin. A présent il prie pour la terre, la Création de Dieu, qui étouffe sous les pesticides, le plastique, et les gaz à effet de serre. Il prie pour tous ceux qui ont perdu un proche lors des attentats ces dernières années. Et pour toutes les personnes en deuil. Il prie pour ces gens qu’on a vendu comme esclaves en Lybie. « Je ne les connais pas, Seigneur, dit-il, et je ne peux pas imaginer à quoi ressemble leur vie, mais Toi tu les connait et tu les portes dans Ton amour. »

Il prie pour ceux qui vivent dans la peur, particulièrement en ce moment les Israéliens et les Palestiniens.

Plus sa prière avance, plus ses phrases sont espacées par des temps de silence. Il commence à parler moins, et à écouter davantage. Et dans le silence, quelque chose en lui s’ouvre toujours un peu plus. Il ne se sent plus seul à présent. Il se sent lié au monde entier. Aux 7 milliards d’êtres humains, qu’ils soient juifs, chrétiens, musulmans, athées, bouddhistes, hindouistes, Bahaï, ou d’autres confession dont il ignore même l’existence. Il se sent lié avec ceux qui partagent ses valeurs et ceux qui ne les partagent pas. Ce soir, tous ont une place dans sa prière.

« Amen » dit-il enfin. C’est alors seulement qu’il réalise que ses mains se sont déliées pendant qu’il priait et qu’il a les bras grand ouverts.  

 
 

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