Liberté chérie, t'appelles-tu Charlie ?
(Prédication en rimes sur Galates 5)
Chers amis, chères amicales sœurs en Christ
Une fois de plus, je me mets en route et pist’
pour faire à la folie les fous du carnaval,
rimer mots humains et divine Parol’
Pardonnez-moi de prendre cette liberté
Excusez-en d’avance les excentricités
La liberté voudrait que je fusse Charlie
Permettez que je sois que charlot, aujourd’hui.
Oyez bien, oyez, braves gens et gentes dam’
riez, « beuveriez » et faites du tam-tam
soyez donc, soyez moins braves et moins sages
N’écoute ni dieu ni maître, sois volage.
Ni dieu ni maître, mais beaucoup de maitresses
Le génie sort de l’éternelle ivresse
Tirons un trait, un coup, sur le petit-bourgeois
à mort, morale et religions, ces rabat-joies
Est-ce cela qu’on transmet comme message ?
Pour ces valeurs qu’on noircit page sur page
de cinquante nuances de grivoiseries ?
Ce serait donc cela la liberté chérie ?
...
...
Est-ce pour cela que tous s’appellent Charlie
que quatre à cinq millions descendent dans la rue
Le monde n’est-il formé que d’individus
ou de quelque valeur commune il se pétrit ?
Plus de carême, plus pénitence, plus de Saint-Graal
Seulement le dérisoire, toujours carnaval
Tout sens dessus-dessous, le tohu-bohu vain ?
Peut-on se passer de référentiels communs ?
A se moquer de tout et de tout le monde
A mener perpétuellement la fronde
A être envers et contre tout, chercher des poux
Charlie, le journal, paraissait de douteux goût
On en oubliait que les mauvais garnements
d’apparence … étaient aussi des humanistes
Souvent, avec leur maladroit acharnement
ils souhaitaient chasser les idées fascistes.
Quelque sacralité ne pouvait justifier
une quelconque injustice élémentaire
La liberté se décline donc d’équerre
avec la fraternité et l’égalité.
L’un sans les autres ne rime à rien de bon
La liberté ne serait que libertaire
la fraternité qu’une simple exaltation
l’égalité qu’un nivellement primaire
Je peux avoir une certaine sympathie
pour ces moqueurs-rieurs des sériosités
ces Guignols, humoristes et autres Charlie
ces fous du rois qui disent deux/trois vérités
Les saisons du carnaval sont nécessaires
afin de dépoussiérer les tours d’ivoire
sinon les pasteurs, prêtres et dignitaires
coupent les cheveux de façon péremptoire
Il arriva, tenez-vous bien, à ces nobles
de discourir avec moult intelligence
pendant que les Turcs prenaient Constantinople
pour savoir de quel sexe étaient faits les anges
Volontiers, les protestants, nous vous rappelons
que jadis, Martin Luther, petit moinillon
se rit des papales condamnations, brûle
même officiellement en public la bulle
Pour lui, même les plus hautes autorités
le pape ou les conciles, pouvaient se tromper
Seule une chose, il prit vraiment au sérieux
la Bible lorsqu’elle parle de grâce de Dieu.
Alors, chrétiens, ne sommes-nous pas capables
de rire même de la mort, du diable ?
Et ne nous porterions-nous pas beaucoup mieux
de pouffer des images qui décrivent Dieu ?
Veil homme à la barbe blanche, c’est gentillet
le « bon » Dieu, toujours dispos à notre chevet
le furieux, le grand Seigneur des guerriers
l’omniprésent laconique ou le rancunier
Rions avec Freud d’un dieu fait de nos craintes
avec Nietzsche de l’exaltation des plaintes
avec Marx du divin opium populaire
de l’hypocrite Tartuffe avec Molière
Rions fort avant tout lorsque, fort sérieux,
nous croyons vraiment cerner distinctement Dieu
par d’habiles descriptions théologiques
ou de savantes démonstrations bibliques
De nos doctrines, même la plus parfaite
porte le danger que mal on l’interprète
Dire l’indicible, c’est un défi sacré
qu’on ne relève bien qu’avec humilité
Ce Père, même si nous l’appelons « nôtre »
n’en reste pour autant pas moins le Tout-Autre
il se présente comme : « Je suis qui je suis ! »
et suggère « Regarde Jésus qui je suis ! »
Il se donne à voir, mais ça reste éphémère
Vision nette, un jour, le lendemain chimère
Si on ne peut nullement le circonscrire,
on ne peut pas plus le blesser par le rire.
Alors, Charlie, je rigole fort avec toi,
quand tu te dresses face aux risibles fatwas
d’experts ès divinologie deux/trois étoil’
de fanatiques écervelés de tout poil
Mais laisse-moi rire de toi, je t’en prie,
quand tu te dis expert en athéologie
quand tu prétends qu’aucun Dieu ne peut exister
qu’être spirituel, c’est être illuminé
Etre libre, c’est n’avoir ni dieu ni maître ?
Crois-tu vraiment que l’homme peut se démettre
des servitudes et nombreuses névroses
dont parfois il souffre parmi d’autres choses
Qu’est-ce qui peut l’élever dans l’adversité
sinon la foi en quelque valeur consacrée ?
Sans quête de sens, nous sommes à la merci
de nos pulsions primaires, la faim, le zizi
Ah, ce zizi, il ornait tant de tes dessins !
Pour marquer son désaccord, il y a plus fin …
Pardon, je le dis, mais tes caricatures
ne faisaient pas toujours dans la fioriture
Et vu de près et sous certaines conditions
Même l’anticonformisme fait religion !
Quand il s’érige en politiquement correct,
cette bouillie devient rapidement infect’.
Alors, je m’en fiche de tes moqueurs dessins
je consulte tout de même ce vieux bouquin
qu’on appelle Bible, l’Ecriture Sainte
Quelle est la liberté qui y est dépeinte ?
Je me contenterai du vieux Paul, aujourd’hui
Aux Galates, il avait lancé un défi
Vivre libres, confiants, sans les peurs d’autrefois
sans sacrifier aux dieux faits de fer et de bois
Libres, sans craindre la moindre superstition
libres, sans être soumis aux propres pulsions
libres, car Christ Jésus avait tracé sa croix
sur la colère humaine et suscité la foi.
Libres à naviguer sur le grand océan
Libres à voguer pleines voiles au-devant
Libres en possédant pour seule boussole
l’amour des aimés du Très-Haut pour les hommes
A l’entendre prêcher, Paul emporte les cœurs
Chez les Galates, il gagne frères et sœurs.
Enthousiastes, ils se mettent à vivre à nouveau
Pour eux, tout le monde, il est gentil, il est beau !
Sauf que l’apôtre doit continuer son chemin
laissant ses amis affronter le lendemain
La liberté, dès lors, devient vite un fardeau
Comment naviguer, surs, sans balises sur l’eau ?
Les navigateurs sont peu expérimentés
L’amour seul ne semble pas pouvoir les guider
Ils ne se font pas confiance, à Dieu non plus
ne croient plus du tout ce en quoi ils avaient cru
Ils deviennent alors une proie plus qu’aisée
Pour les premiers conseilleurs en sécurité
Un fétiche, une idole, c’est la solution
disent les prédicateurs de circoncision
Un signe visible, charnel pour l’alliance
remplace avantageusement la confiance
Pour toutes les tentations, pour tous les défis,
on coupe – élémentaire ! – un bout du zizi.
Ensuite, pour se munir de tous les dangers
pour toute situation une loi réglée
De cette façon, tout écart est écarté
et les apparences apparemment sauvées.
Seulement, la liberté est restée en chemin
Les enfants de Dieu redeviennent des larbins
s’enchaînent par peur à un nouveau cadre
refont de Dieu un maitre et non plus un Padre.
Adieu, grand océan et libre voyage
Au lieu de cela, un chemin de halage
Rester constamment non très loin du rivage
Semble désormais être une décision sage.
Oh ! Galates, ne couriez-vous pas si bien ?
Qu’est-ce qui donc vous a freinés dans votre entrain ?
N’est-ce pas pour être libres que vous quittiez
les craintes dont le Christ vous avait libérés ?
Ne voyez-vous pas que toute circoncision
vous circonscrit au sein d’un tout petit rayon
Elle constitue un terrible engrenage
qui cherche à vous enfermer dans une cage
Ne virez donc pas de bord ce précieux cadeau !
C’est la liberté qui rend le destin si beau.
Mais, c’est sûr, elle demande du courage
elle demande à être prêt au partage.
La générosité est son point d’ancrage
Responsabilité sera son adage
Elle sera volontairement charitable
consentira de plein gré l’inévitable.
La liberté ne connait comme seule loi
que l’amour actif du prochain, de Dieu, de soi
Voilà ce qui forme le point d’équilibre
de qui veut vivre libre de toutes fibres
Libre sans devoir devenir solitaire
Libre sans absolument chercher à plaire
Dans un dialogue confiant du tu à toi
avec Dieu pour faire le responsable choix
Rien n’est réellement fixé d’avance
ni laissé au hasard, à la pure chance
La liberté est à acquérir, à naître,
elle est à recevoir, à vivre et à être.
Lieu où mystérieusement se confondent
décisions avec providence profonde.
Dis, cette liberté responsable et belle
n’a-t-elle pas un goût de vie éternelle ?
Que la paix du Tout Autre, de l’Indicible
soit la boussole de ta route en liberté
qu’elle te garde l’humour pour le risible
et te fasse grandir en toute charité !
J. Grauling
Charlie; liberté; responsabilité
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