Liberté chérie, t'appelles-tu Charlie ?

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  • Le 01/02/2015
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(Prédication en rimes sur Galates 5)

 

Chers amis, chères amicales sœurs en Christ

Une fois de plus, je me mets en route et pist’

pour faire à la folie les fous du carnaval,

rimer mots humains et divine Parol’

 

Pardonnez-moi de prendre cette liberté

Excusez-en d’avance les excentricités

La liberté voudrait que je fusse Charlie

Permettez que je sois que charlot, aujourd’hui.

 

Oyez bien, oyez, braves gens et gentes dam’

riez, « beuveriez » et faites du tam-tam

soyez donc, soyez moins braves et moins sages

N’écoute ni dieu ni maître, sois volage.

 

Ni dieu ni maître, mais beaucoup de maitresses

Le génie sort de l’éternelle ivresse

Tirons un trait, un coup, sur le petit-bourgeois

à mort, morale et religions, ces rabat-joies

 

Est-ce cela qu’on transmet comme message ?

Pour ces valeurs qu’on noircit page sur page

de cinquante nuances de grivoiseries ?

Ce serait donc cela la liberté chérie ?

 

...

...

 

Est-ce pour cela que tous s’appellent Charlie

que quatre à cinq millions descendent dans la rue

Le monde n’est-il formé que d’individus

ou de quelque valeur commune il se pétrit ?

 

Plus de carême, plus pénitence, plus de Saint-Graal

Seulement le dérisoire, toujours carnaval

Tout sens dessus-dessous, le tohu-bohu vain ?

Peut-on se passer de référentiels communs ?

 

A se moquer de tout et de tout le monde

A mener perpétuellement la fronde

A être envers et contre tout, chercher des poux

Charlie, le journal, paraissait de douteux goût

 

On en oubliait que les mauvais garnements

d’apparence … étaient aussi des humanistes

Souvent, avec leur maladroit acharnement

ils souhaitaient chasser les idées fascistes.

 

Quelque sacralité ne pouvait justifier

une quelconque injustice élémentaire

La liberté se décline donc d’équerre

avec la fraternité et l’égalité.

 

L’un sans les autres ne rime à rien de bon

La liberté ne serait que libertaire

la fraternité qu’une simple exaltation

l’égalité qu’un nivellement primaire

 

Je peux avoir une certaine sympathie

pour ces moqueurs-rieurs des sériosités

ces Guignols, humoristes et autres Charlie

ces fous du rois qui disent deux/trois vérités

 

Les saisons du carnaval sont nécessaires

afin de dépoussiérer les tours d’ivoire

sinon les pasteurs, prêtres et dignitaires

coupent les cheveux de façon péremptoire

 

Il arriva, tenez-vous bien, à ces nobles

de discourir avec moult intelligence

pendant que les Turcs prenaient Constantinople

pour savoir de quel sexe étaient faits les anges

 

Volontiers, les protestants, nous vous rappelons

que jadis, Martin Luther, petit moinillon

se rit des papales condamnations, brûle

même officiellement en public la bulle

 

Pour lui, même les plus hautes autorités

le pape ou les conciles, pouvaient se tromper

Seule une chose, il prit vraiment au sérieux

la Bible lorsqu’elle parle de grâce de Dieu.

 

Alors, chrétiens, ne sommes-nous pas capables

de rire même de la mort, du diable ?

Et ne nous porterions-nous pas beaucoup mieux

de pouffer des images qui décrivent Dieu ?

 

Veil homme à la barbe blanche, c’est gentillet

le « bon » Dieu, toujours dispos à notre chevet

le furieux, le grand Seigneur des guerriers

l’omniprésent laconique ou le rancunier

 

Rions avec Freud d’un dieu fait de nos craintes

avec Nietzsche de l’exaltation des plaintes

avec Marx du divin opium populaire

de l’hypocrite Tartuffe avec Molière

 

Rions fort avant tout lorsque, fort sérieux,

nous croyons vraiment cerner distinctement Dieu

par d’habiles descriptions théologiques

ou de savantes démonstrations bibliques

 

De nos doctrines, même la plus parfaite

porte le danger que mal on l’interprète

Dire l’indicible, c’est un défi sacré

qu’on ne relève bien qu’avec humilité

 

Ce Père, même si nous l’appelons « nôtre »

n’en reste pour autant pas moins le Tout-Autre

il se présente comme : « Je suis qui je suis ! »

et suggère « Regarde Jésus qui je suis ! »

 

Il se donne à voir, mais ça reste éphémère

Vision nette, un jour, le lendemain chimère

Si on ne peut nullement le circonscrire,

on ne peut pas plus le blesser par le rire.

 

Alors, Charlie, je rigole fort avec toi,

quand tu te dresses face aux risibles fatwas

d’experts ès divinologie deux/trois étoil’

de fanatiques écervelés de tout poil

 

Mais laisse-moi rire de toi, je t’en prie,

quand tu te dis expert en athéologie

quand tu prétends qu’aucun Dieu ne peut exister

qu’être spirituel, c’est être illuminé

 

Etre libre, c’est n’avoir ni dieu ni maître ?

Crois-tu vraiment que l’homme peut se démettre

des servitudes et nombreuses névroses

dont parfois il souffre parmi d’autres choses

 

Qu’est-ce qui peut l’élever dans l’adversité

sinon la foi en quelque valeur consacrée ?

Sans quête de sens, nous sommes à la merci

de nos pulsions primaires, la faim, le zizi

 

Ah, ce zizi, il ornait tant de tes dessins !

Pour marquer son désaccord, il y a plus fin …

Pardon, je le dis, mais tes caricatures

ne faisaient pas toujours dans la fioriture

 

Et vu de près et sous certaines conditions

Même l’anticonformisme fait religion !

Quand il s’érige en politiquement correct,

cette bouillie devient rapidement infect’.

 

Alors, je m’en fiche de tes moqueurs dessins

je consulte tout de même ce vieux bouquin

qu’on appelle Bible, l’Ecriture Sainte

Quelle est la liberté qui y est dépeinte ?

 

Je me contenterai du vieux Paul, aujourd’hui

Aux Galates, il avait lancé un défi

Vivre libres, confiants, sans les peurs d’autrefois

sans sacrifier aux dieux faits de fer et de bois

 

Libres, sans craindre la moindre superstition

libres, sans être soumis aux propres pulsions

libres, car Christ Jésus avait tracé sa croix

sur la colère humaine et suscité la foi.

 

Libres à naviguer sur le grand océan

Libres à voguer pleines voiles au-devant

Libres en possédant pour seule boussole

l’amour des aimés du Très-Haut pour les hommes

 

A l’entendre prêcher, Paul emporte les cœurs

Chez les Galates, il gagne frères et sœurs.

Enthousiastes, ils se mettent à vivre à nouveau

Pour eux, tout le monde, il est gentil, il est beau !

 

Sauf que l’apôtre doit continuer son chemin

laissant ses amis affronter le lendemain

La liberté, dès lors, devient vite un fardeau

Comment naviguer, surs, sans balises sur l’eau ?

 

Les navigateurs sont peu expérimentés

L’amour seul ne semble pas pouvoir les guider

Ils ne se font pas confiance, à Dieu non plus

ne croient plus du tout ce en quoi ils avaient cru

 

Ils deviennent alors une proie plus qu’aisée

Pour les premiers conseilleurs en sécurité

Un fétiche, une idole, c’est la solution

disent les prédicateurs de circoncision

 

Un signe visible, charnel pour l’alliance

remplace avantageusement la confiance

Pour toutes les tentations, pour tous les défis,

on coupe – élémentaire ! – un bout du zizi.

 

Ensuite, pour se munir de tous les dangers

pour toute situation une loi réglée

De cette façon, tout écart est écarté

et les apparences apparemment sauvées.

 

Seulement, la liberté est restée en chemin

Les enfants de Dieu redeviennent des larbins

s’enchaînent par peur à un nouveau cadre

refont de Dieu un maitre et non plus un Padre.

 

Adieu, grand océan et libre voyage

Au lieu de cela, un chemin de halage

Rester constamment non très loin du rivage

Semble désormais être une décision sage.

 

Oh ! Galates, ne couriez-vous pas si bien ?

Qu’est-ce qui donc vous a freinés dans votre entrain ?

N’est-ce pas pour être libres que vous quittiez

les craintes dont le Christ vous avait libérés ?

 

Ne voyez-vous pas que toute circoncision

vous circonscrit au sein d’un tout petit rayon

Elle constitue un terrible engrenage

qui cherche à vous enfermer dans une cage

 

Ne virez donc pas de bord ce précieux cadeau !

C’est la liberté qui rend le destin si beau.

Mais, c’est sûr, elle demande du courage

elle demande à être prêt au partage.

 

La générosité est son point d’ancrage

Responsabilité sera son adage

Elle sera volontairement charitable

consentira de plein gré l’inévitable.

 

La liberté ne connait comme seule loi

que l’amour actif du prochain, de Dieu, de soi

Voilà ce qui forme le point d’équilibre

de qui veut vivre libre de toutes fibres

 

Libre sans devoir devenir solitaire

Libre sans absolument chercher à plaire

Dans un dialogue confiant du tu à toi

avec Dieu pour faire le responsable choix

 

Rien n’est réellement fixé d’avance

ni laissé au hasard, à la pure chance

La liberté est à acquérir, à naître,

elle est à recevoir, à vivre et à être.

 

Lieu où mystérieusement se confondent

décisions avec providence profonde.

Dis, cette liberté responsable et belle

n’a-t-elle pas un goût de vie éternelle ?

 

Que la paix du Tout Autre, de l’Indicible

soit la boussole de ta route en liberté

qu’elle te garde l’humour pour le risible

et te fasse grandir en toute charité !

 

J. Grauling

Charlie; liberté; responsabilité

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