Carnaval Saint-Valentin : Prédication en rimes
- Par selestuepal
- Le 14/02/2021
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Prédication en rimes
Dimanche 14 février 2021
Estomihi/Saint-Valentin
Esaïe 58,1-14 : le jeûne qui plaît à Dieu
Que vous soient données
La grâce et la paix
De la part du Père
Du Christ, notre Seigneur !
Nous sommes dimanche de carnaval –
Au moins le paraît-il –
Mais du bal masqué en ville
On n’a gardé que les masques et viré le bal.
Les Machores renoncent à défiler
Et à réclamer les clés de Sélestat.
La fête ne déroule que chez les bouchers
Qui livrent les Narreklepfer sur un plat.
Pas de prince et de princesse, pas de miss du Ried.
Car la reine et la maîtresse, cette année est la COVID !
Si la Fasnet vous manque, venez donc au culte !
On ne vous y demandera pas la dîme,
On vous y délivrera sans tumulte
Une jolie prédication en rimes !
Jusqu’à mardi, on mange gras
On se livre aux excès ;
On mange, on danse, on boit
De la bière, la java, des beignets !
Et après, je vous le jure,
Je deviens un ange
Je me serrerai la ceinture
Sûr que je me range.
Cette année, ce sera facile.
Il n’y a point de distractions :
On n’arrête pas de se faire d’la bile
Avec toutes ces restrictions.
Avec tous ces confinements,
cons finis on terminera
On ne dansera pas le cancan
On n’ira même pas au cinéma.
Et si un petit feu couvait encore
Si un peu d’amour, un sentiment un tant soit peu
Faisaient mine de vouloir éclore
Bim ! on l’étouffe avec le couvre-feu.
Valentin ne semble pas être le saint
A qui actuellement se vouer
Les croyances à la science ont passé la main :
Le sort, pourra-t-elle l’amadouer ?
Nous guettons tout signe favorable
De la part de Pfizer et Moderna.
Pour nous guérir, êtes-vous capables ?
Délivrez-nous, Sainte Astra Zénéca !
Les yeux rivés sur les courbes
Ça en devient obscène
L’épidémiologie se lit même dans la bourbe
Des eaux usées du Rhin et de la Seine.
Promis, juré, pas besoin des saints
Pas de pénitence, pas de prières,
Il suffit de croire dans les vaccins,
Et recommence la vie pépère !
Après tant d’errances, ça y est :
Le gouvernement a un plan.
D’ici l’été tout est fin prêt.
Pourront rouvrir les bars et restaurants !
Pourront rouvrir toutes les frontières
Les remontées mécaniques
Même si en été on ne saura pas qu’en faire
Mais ce n’est qu’un détail technique.
Cet été, tout rentrera dans l’ordre
Tout redeviendra comme avant
Vous ne nous en ferez pas démordre.
Las ! c’était sans compter avec les variants.
Un virus, ça n’a beau pas réfléchir,
C’est tout de même assez fut’-fut’
Et quand la courbe veut bien fléchir,
Le voilà qui change et mute.
Ô Dieu, pourquoi point tu ne nous écoutes ?
Où avons-nous donc mal agi ?
Est-ce faute d’avoir dénigré le marseillais Raoult ?
Ou eut-il fallu que mieux on prie ?
L’erreur réside-t-elle dans nos rites ?
Dans nos masques, nos ablutions ?
Les consignes sont-elles mal écrites ?
Faut-il plus de distanciation ?
Le problème, le vrai, il est ailleurs –
Que dans le prolongement d’une heure
du couvre-feu, que dans le sacrifice,
Tant qu’il reste un artifice.
Chacune de nos nombreuses mesures
Ne reste qu’un pauvre leurre
Car aucune de ces postures
N’arrive à changer nos cœurs.
Le problème avec beaucoup de scientifiques
Qui sont aujourd’hui si haut en cour
C’est qu’ils préconisent des techniques
Et en oublient … l’amour
Ne pas fréquenter ses anciens,
Les confiner en chambre
Les isole du virus, certes, et ça c’est bien,
Mais traite-t-on ainsi ses membres ?
L’intention se trahit dans les mots,
La langue est chirurgicale,
On voit bien qu’on a tout faux
Quand on prescrit la distanciation « sociale ».
Mais gare à celle ou à celui
Qui seulement pense à soigner son langage
Sans prendre grand soin aussi
De la vie, de l’âme, de la jeunesse et de l’âge.
Dès qu’augmente le degré de la peur,
Sont éprouvées nos convictions,
Sont sondées les valeurs
Qui fondent la cohabitation.
Dans notre for intérieur
Qu’est-ce qui préside ?
Sauver sa peau ou être solidaires,
Le souci sincère ou la pensée perfide.
D’aucuns même prospèrent
Sur le dos d’autrui,
Profitent du malheur
Pour faire plus de profit.
Même « l’amour » n’y échappe point,
Et vous le savez bien,
Lorsqu’on fait autant de foin
De la fameuse Saint Valentin.
Quand Valentin cherche sa Valentine,
Ça n’a généralement rien de saint,
Il s’agit seulement d’une soirée coquine,
D’une histoire sans lendemain.
Et si, mes chers amis, et si,
En cette crise l’occasion était belle,
De nous rendre compte et de faire fi
De notre pauvreté spirituelle ?
Ce serait une chouette attitude.
Prendre conscience est le début
D’une grande béatitude
Promise aux pauvres en esprit !
Et si, après ce carnaval de pacotille,
Après cette galanterie un peu blême,
Nous aiguisions nos papilles
En faisant carême ?
Puisqu’en cette épidémie
On a perdu goût et l’odorat,
Soyons fous, relevons le défi
D’alléger nos plats !
Puisque, déjà, on est restreints
Apprenons quels sont nos besoins
Car en restant à jeun,
C’est notre âme qui revient de loin.
Jeûner, quelle pratique désuète,
Me direz-vous assurément,
Mais ce n’est pas une simple diète,
Une technique d’amaigrissement.
Il s’agit de se rendre à l’évidence
Que ce qu’on croyait essentiel
En en faisant abstinence
Se révèle superficiel.
Que qui ne nourrit que le corps,
Souvent néglige l’âme
Qui dans la graisse s’endort
Et devient infame.
Et voilà que jeûner réveille le goût
Des autres et de la vie
Ça fortifie ce qui est mou
Et chasse la mesquinerie.
Le carême peut ouvrir les yeux,
Sur le printemps qui éclot,
Finit par rendre généreux
L’obnubilé de son égo.
Alors se réinvente le partage
Est décuplée la créativité
La liberté est l’apanage
De ceux qui la conjuguent avec la solidarité.
Car qui prend l’habitude le dimanche
De ne laisser parler que son cœur
D’oublier le calcul et les effets de manche,
Au quotidien devient meilleur.
Il soigne ses relations
Ne se laisse pas guider par la peur
Crée des liens, construit des ponts
Entre frères et sœurs.
Et c’est comme ça qu’Esaïe
Dessine un autre monde,
Nous propose un beau pays
A la paix profonde.
Où les chemins sont aplanés
Pour entretenir les liens précieux
Où les brèches sont réparées
Pour ne laisser percer que les couleurs des cieux.
Pour ce monde, je dis chiche !
Essayons le jeûne,
Plus de calcul ni de triche,
Pour un coup de jeune.
La paix promise n’est désuète
Que pour qui est mort.
Moi, je vous la souhaite
Qu’elle vous conduise à bon port !
Elle dépasse l’intelligence
Mais rend intelligent !
Aujourd’hui qu’elle ensemence
Nos cœurs souvent si lents !
Et si ce discours vous a ému,
Qu’il provoque une réaction en chaîne,
Montrez-le qu’il vous a plu,
En disant Helau et … Amen.
Jürgen Grauling 2021
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