Conte de Noël, vidéo des Buceroles - Calendrier de l'Avent Déc22

Coïncidence de fêtes

Cette année 2016, Noël et la fête des Lumière juive, Hanoukka, tombent en même temps. En effet, les familles israélites allumeront la première des huit bougies de la Hanoukkia le 24/12 au soir, au moment où nous fêtons nos veillées de la nativité de Jésus.

C"était l'occasion de rappeler la proximité de nos religions lors de la saynète jouée par les enfants des Ecoles du Dimanche du Consistoire de Sélestat.

L'étoile de la Bergère : Miriam, une petite orpheline vit dans les champs de Bethléem avec son grand-père Rouven, lors de la fête de Sukkot. Elle rève de devenir bergère et se passionne pour les histoires des grands bergers d'Israël : Abraham et David.

Alors son grand-père lui fait découvrir une étoile mystérieuse et malicieuse, celle des bergers. Bientôt, l'étoile n'aura plus de secret pour Miriam et la guidera vers le Berger qui réunira la confiance d'Abraham et le courage de David...

Voici la version des Buceroles de Sélestat :

Voici le conte à l'origine de ce jeu de crèche :

L’étoile de la Bergère

Je n’avais à l’époque que 11 ans. Chose rare dans le village, je connais mon âge assez précisément. Je suis née en effet, lors du premier jour de la fête de Hanoucca, le 25 Kislev, pendant cet hiver rude et interminable qui avait succédé au lancement en grandes pompes de la reconstruction du Temple de Jérusalem. Hérode – le « Grand » se fit-il appeler – se prenait pour le Salomon des temps modernes et avait été applaudi pour ce projet monumental. Prêtres et courtisans s’en félicitèrent, et aujourd’hui il constitue, bien que inachevé, le fleuron du pays, réputé jusqu’à la lointaine Rome. Mais le tribut le plus lourd, c’était les pauvres bougres de la campagne qui avaient à le payer. Mon père, dans la force de l’âge, berger de son métier, avait été réquisitionné, comme tant d’autres, pour prêter main forte aux travaux surhumains, en contrepartie d’une solde misérable. La saison particulièrement rigoureuse avait interrompu le chantier, de sorte qu’il pût assister à ma naissance. Ma mère, je ne l’ai jamais connue. En effet, l’accouchement avait été difficile et le froid l’épuisa rapidement de manière qu’on la portât en terre, alors que je n’avais qu’une poignée de semaines. Mon père ne s’en remit jamais et s’en alla à son tour lorsque j’avais trois ans.

Ma tante me nourrit à son sein, en même temps que mon cousin Ephraïm, puis je grandis chez mes grands-parents paternels. Ma grand-mère voulut m’initier aux arts culinaires et aux travaux domestiques, mais moi, je préférais suivre Rouven, mon grand-père, sur les chemins abrupts des collines judéennes à la recherche de nouveaux pâturages pour les troupeaux. On m’accorda ce caprice. « La pauvre ! », entendis-je souvent dire dans mon dos, « elle est orpheline … »

En fait, je m’appelle Miriam. J’étais heureuse au grand air et grand-père, qui connaissait chaque vallon, chaque recoin de la contrée, m’initia aux secrets des pâtres. Il me montrait comment guider les bêtes, comment les soigner lorsqu’elles étaient blessées, comment les défendre contre les prédateurs. Les garçons des autres bergers ne se formalisèrent pas que je fusse une fille et m’acceptaient comme une des leurs en m’intégrant dans leurs jeux et leur compagnie. Bienheureuse troupe des pastoureaux : ici les convenances n’importent guère, et malgré une rudesse certaine l’authenticité l’emporte sur le qu’en dira-t-on !

Sukkot était ma fête préférée. Dès que j’avais atteint l’âge de six ans, j’avais le droit de passer les nuits dehors sous les abris de fortune, ces huttes construites près des troupeaux pour la fête qui nous rappelle la traversée du désert du peuple Israël. Autour du feu, les anciens racontaient les histoires d’autrefois. Celle de Moïse et de Josué. Celle d’Abraham qui s’était fait berger pour suivre l’appel du Très-Haut, béni soit-il, laissant à Loth la ville et la civilisation et se contentant, lui, d’une vie nomade. La nuit était en train de tomber, mon grand-père me montra alors l’étoile à l’horizon. Elle brillait, alors qu’il faisait encore jour. « Vois-tu, Miriam, l’étoile là-bas ? C’est l’étoile du berger Abraham, elle brille seule dans l’obscurité naissante. Il était le premier à croire en Celui qu’on ne nomme pas. Mais bientôt, il sera rejoint par une myriade de petites lucioles célestes qui porteront leur confiance à travers les ténèbres ! » Pendant la semaine que durait la fête, je guettai l’étoile tous les soirs, et son apparition me remplit d’une joie inexplicable. Je luttai contre sommeil et ne m’endormis que lorsqu’elle disparut à l’horizon.

L’année suivante, à Sukkot je me mis à guetter l’étoile d’Abraham, mais les nuages cachaient mon ciel. Ce n’est qu’au troisième soir qu’il était dégagé et serein, mais l’étoile espérée ne se montra pas. Déçue, presqu’en pleurs, je m’en ouvris à Rouven. Mon grand-père me consola : « Ne sois pas triste, notre étoile est facétieuse, c’est une vagabonde, une nomade. Ce n’est pas pour rien qu’elle est l’étoile des Bergers. Couche-toi et tâche de dormir. Demain matin, je te réveillerai très tôt et tu la retrouveras, je te le promets. »

Quand Rouven vint me trouver, il faisait encore nuit. « Allez, debout, chasse le sommeil de tes yeux ! », me chuchota-t-il, pendant que les autres dormaient encore. Puis, il dirigea mon regard non vers l’Ouest où j’avais pris l’habitude de guetter l’astre, mais au Levant. Et surprise, l’étoile y brillait, plus forte que toutes les autres. « C’est elle ? », lançai-je. « Mmh ! », acquiesça grand-père. « C’est l’étoile du berger David. Alors que le pays souffrait sous la férule des Philistins, David, encore un enfant, prit courage et abattit le géant Goliath avec sa fronde. Ce fut le début d’un temps béni pour le Royaume… Le jour viendra où un berger réunira la confiance d’Abraham et le courage de David pour mener le peuple en pleine lumière ! » Je restai là à méditer les paroles de mon grand-père et ne me lassai pas d’observer l’étoile jusqu’à ce qu’elle disparût alors que la matinée était déjà avancée.

Dès ce jour, je me promis de tout apprendre sur « mon » étoile. Je l’observais à chaque fois que je pouvais, je devins incollable à son sujet. Je la cherchais avant le coucher du soleil ou me levais aux aurores. J’appris qu’elle se montrait par cycles de plusieurs mois, tantôt autour du lever, tantôt autour du coucher du soleil. Je compris que l’éclat de sa lumière variait. Que pendant de longues semaines, elle se cachait trop près de l’astre du jour pour la déceler. Qu’en général, cela laissait présager qu’elle allait passer du matin au soir ou inversement. Un cousin éloigné, en visite de Césarée m’enseigna que les Romains la prenaient pour une déesse lui donnant le nom de Vénus. Que les Grecs prétendaient qu’il ne s’agissait pas d’une étoile, mais de ce qu’ils appelaient des « vagabonds », « planètes » dans leur langue. A force de regarder le ciel, j’appris à reconnaître différentes constellations, faites d’astres beaucoup moins nomades que la mienne, comme fixés à la voûte céleste.

Le soir, sous les huttes de la Sukkot et pendant les longues attentes auprès des moutons en train de paître, avec grand-père j’écoutai avide les histoires des bergers de mon peuple. David, bien sûr, lui qui, huit siècles plus tôt, avait arpenté les même chemins que Rouven et moi autour de Bethléem, fondant une lignée royale dont un lointain descendant deviendrait le messie envoyé du Très-Haut, béni soit-il. D’Abraham, mais aussi de Jacob, grand-maître dans le croisement des espèces de brebis. Moïse, qui a la recherche d’un agnelet perdu fit la découverte de Dieu « Je suis qui je serai » dans le buisson ardent. Berger d’hommes ensuite, Moïse mènerait notre peuple pendant 40 ans de l’esclavage à la liberté, de la superstition à la crainte du Dieu Unique, Créateur de toute chose. Par chœur, je récitai le psaume de David sur Adonai qui est notre berger, nous guidant à travers la vallée de l’ombre de la mort, les paroles du prophète Ezéchiel sur les bons et les mauvais Bergers du peuple d’Israël.

J’avais donc 11 ans, presque 12 en fait. Depuis quelques mois, à force d’insister, on m’avait laissée depuis l’été passer certaines nuits avec les autres, auprès des troupeaux, et pas seulement lors de la fête de Sukkot.

J’eus de la chance, la saison était exceptionnellement longue et même l’hiver tellement doux que nous continuâmes à garder les moutons dehors. Nous allions même fêter Hanoucca dans les champs ! Je suis née à Hanoucca, vous vous rappelez ? Lorsqu’au coucher du soleil de ce 25 Kislev, j’eus le droit d’allumer la première lumière de la Hanoucca sur un candélabre de fortune, je regrettais de ne pas apercevoir ma facétieuse étoile juste au-dessus de l’horizon. Depuis le dernier soir de la fête des cabanes, elle manquait à l’appel. Elle m’avait cligné des cieux pour me dire : « A bientôt ! ». Arriverait-elle pour la fête des Lumière ? « Au revoir, étoile d’Abraham, à bientôt, étoile du berger David ! »

Les jours passèrent et nous fêtions le dernier soir de Hanoucca, sans qu’elle ne se montrât. Nous étions encore en train d’évoquer les histoires de notre peuple d’Israël, quand les huit flammes de la Hanoucciah s’étaient éteintes après avoir épuisé toute l’huile du candélabre. Allongés près du feu, les uns après les autres tiraient leur couverture et se tournèrent pour dormir. Tout à coup, il fit clair comme en plein jour. Des lumières de toutes les couleurs jouaient dans le ciel, un spectacle magnifique mais aussi effrayant tant il était extraordinaire. Un miracle de Hanoucca ? Une demi-heure plus tard, la nuit tomba à nouveau, mais les bergers mirent bien longtemps pour se rendormir. Quant à moi, je veillai. Quelque chose dans cette nuit était décidément mystérieux.

Aussi était-ce moi qui entendis des chants remonter de la vallée, bien avant le lever du soleil. Je découvris qu’il s’agissait des amis pâtres de la vallée voisine qui s’approchaient de notre feu. Tout en entonnant de joyeux chants. Des chants religieux, pas des paillardises comme à leur habitude. Je me mis à réveiller les autres. En grognant, ils sortirent de leur sommeil et assistaient ébahis à la chorale des camarades. « Oh ! Que vous arrive-t-il ? C’est une blague de potache ? », s’exclama mon oncle, le père d’Ephraïm.

« Vous ne croirez jamais ce qui nous est arrivé ! », nous dirent-ils : « Nous avons été réveillés en pleine nuit, par l’armée céleste, qui chantait à pleine voix ! Une scène merveilleuse, l’harmonie de ces chœurs, mais c’était aussi angoissant. De plus, la voûte du ciel s’était illuminée de toutes les couleurs. Alors, un ange nous a annoncé : N’ayez pas de frayeur ! Un Sauveur vous est né à Bethléem, un roi couché dans une crèche ! »

« Ah, ah ! Vous avez dû boire un peu trop hier, au dernier soir de Hanoucca ! Cela et les étranges lumières de la nuit, ça a dû vous tourner la tête ! Ah, ah, ah ! », renchérit le mari de ma nourrice avec un clin d’œil entendu.

« Non ! », dirent les visiteurs : « Ecoutez plutôt ! Nous nous croyions aussi victimes d’une hallucination. Mais aussitôt la nuit et le silence retombés, nous ne tenions plus en place. Nous nous sommes mis en route pour vérifier les dires que nous avons cru entendre. Et croyez-le ou non : nous avons effectivement trouvé un nouveau-né, le Fils de Joseph et de Miriam venus de Nazareth pour le recensement. Leur enfant était couché dans une crèche, car toutes les chambres d’hôtes étaient complètes. »

« Grand-père, mais ils disent vrai ! Regarde ! », m’écriai-je. Je pointai mon doigt vers l’horizon où le jour poignait déjà. Et juste au-dessus de la ligne de partage, elle était là et étincelait de tous ses feux : mon étoile, ma brillante étoile du matin. Quelques semaines en arrière encore étoile pionnière de la foi d’Abraham, maintenant lumière du secours de David ! « C’est sûr : elle annonce la venue du messie ! »

« Venez, venez vite ! », criai-je et déjà j’étais en chemin voir l’enfant que la brillante étoile du matin m’indiquait, le miracle de la Hanoucca de mes 12 ans. J’allai courir voir l’enfant né d’une jeune femme obéissant au même prénom que moi, Miriam, moi qui n’ai jamais connu ma mère.

Epilogue :

Depuis ce temps-là, je n’ai cessé d’observer ni les étoiles, ni de guetter les prophéties d’antan. Et je n’ai jamais perdu de vue l’enfant de la crèche devenu adulte. Aujourd’hui, nous approchons de la fête de Pâque et celui qu’on appelle « Adonai sauve », Yéshoua, entre à Jérusalem juché sur un âne, sous les acclamations de la foule. C’est le dernier soir de Hanoucca que j’ai vu mon étoile pour la dernière fois avant qu’elle ne se cache dans le soleil. Qu’arrivera-t-il dans une semaine, lorsqu’elle annoncera le matin d’une nouvelle ère ?

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Jürgen Grauling, Noël 2015

Chaque jour de l'Avent, Axel Bieber et Jürgen Grauling vous offrent un billet électronique. Pour voir les précédents : www.martinbucer.org/blog

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